Pour le moment, l'attaque contre la Syrie promis par le "pacifiste" Obama à la suite du remuant "socialiste" Hollande, nostalgique des passées gloires impériales françaises, n'a pas eu lieu. Mais cela importe peu. Car les vingt dernières années ont été une suite presque ininterrompue de guerres sanglantes, de massacres de populations civiles, d'ouvert terrorisme d'Etat anti-prolétarien. Si l'attaque devait se produire, et de quelle manière («limitée» ou «extensive», selon le langage cynique des commandements militaires et de la politique belliciste), elle ne serait rien d'autre que le supplémentaire maillon d'une chaîne de feu qui avec le temps serre à la gorge le prolétariat mondial et se rapproche chaque jour des citadelles du capitalisme. Toute la bande d'Afrique du Nord et Moyen-Orientale de la Méditerrannée, de la Tunisie à la Syrie, est désormais un unique champ de bataille – un croissant dévasté par la technologie la plus sophistiquée de la destruction – et quand les contradictions irréconciliables d'un mode de production à l'agonie devront se précipiter, là bas peut déclencher un feu beaucoup plus monstrueux que celui d'un conflit local ou régional. Au-delà de la Syrie, vers l'est, se trouvent aussi d'autres champs de bataille actuels ou potentiels, jusqu'à cet Extrême-Orient, où, à peine en surface, sommeillent de nouvelles tensions qui pourront devenir ingérables.
C'est le monde que nous offre (et que offre aux nouvelles générations) le capitalisme saisi par sa propre crise: un monde dominé par la guerre plus meurtrière. Mais la guerre, pour ceux qui n'ont pas perdu la mémoire, est la condition «naturelle», quotidienne de la vie du monde bourgeois: la guerre de tous contre tous. Le monde bourgeois est imprégné de violence: sur cette violence, il s'est construit et imposé et, avec elle, il a défendu et défend sa propre existence et son propre pouvoir. Lorsque ses contradictions touchent la limite, le point de non retour, le passage de la «paix» à la guerre ouverte est inévitable: comme l'enseignent deux guerres mondiales et d'innombrables guerres locales au cours du siècle dernier. Il faut se souvenir que « la guerre capitaliste est la destruction des surplus et ensuite, une reconstruction »: c'est l'affaire suprême permettant au capital de sortir de l'impasse de la crise de surproduction de marchandises et de capitaux afin de reprendre son fonctionnement à pleine capacité.
En les jours d'attente pour le «partez!» au conflit déclaré de la part d'une bande de bandits contre une autre, quelques écrivaillons ont sorti (voir le journal italien "Corriere della Sera" du 3/9/2013) que, selon le chef d'état-major des États-Unis Dempsey, "chaque jour de la guerre peut coûter un milliard de dollars». «Coûter»? Mais "coûter" signifie que quelque part ce milliard de dollars va bien finir: à l'industrie de l'armement, d'abord, et ensuite à tous les industries collatérales, à tout ce que la guerre comporte – de la nourriture aux infrastructures de transport, aux chaussures de toutes sortes, à l'infini retombées civiles aussi bien que militaires. Un milliard de dollars par jour! Une véritable aubaine pour relancer l'économie, qui a du mal à repartir.
Vous dites: "Mais Assad ..." Oui, Assad! Le régime syrien, qui affame et massacre ses propres masses prolétariennes ou dans un chemin de prolétarisation, gère un capitalisme en ascension qui est étroitement lié au capitalisme mondial (et non seulement à ceux de ses «amis» Russes ou Iraniens, comme le ferait un idiot "anti-impérialisme à sens unique"). Nous avons déjà expliqué (voir “il programma comunista”, n. 4/2012) que les données d'import-export syriens parlent clair: un export destiné en premier lieu à l'Europe et en second lieu à (surprise!) l'aire nord-américaine de l'ALENA, et un import qui est en premier place (autre surprise!) le blé des USA. C'est la démonstration que, en régime capitaliste, les bonnes affaires sont à tout le monde, "amis" et "ennemis": ensuite, quand c'est nécessaire, on les abat. Cynisme? Appelez-le donc, si vous voulez faire de la morale: pour nous communistes, il s'agit de lois économiques, l'extension au niveau géo-historique mondial de la loi de la valeur et du profit.
C'est une guerre entre bandits, et si quelqu'un fait mine de vouloir s'y opposer (Russie, Chine) ou si elle s'en distingue (Allemagne), ce n'est que pour protéger ses propres bonnes affaires (quant à l'Italie, eh, bien, vous le savez, elle est toujours prête à se vendre au plus offrant). Mais la guerre est aussi guerre au prolétariat, exacerbation du conflit qui se vérifie quotidiennement sur le lieu du travail et du non-travail, avec l'extraction de la plus-value, avec l'exploitation bestiale d'énormes masses de salariés, avec l'expulsion d'autres grandes masses du processus de production, avec leur condamnation à l'émigration ou à la survie difficile, avec cette "misère croissante" que seuls les imbéciles refusent de voir, pendant que, chaque jour, de plus en plus, le capitalisme abat l'existence des masses prolétariennes et prolétarisées partout dans le monde.
Au cours des trois dernières années, nous avons assisté à des mouvements de révolte répandus dans l'aire nord-africaine de la Méditerranée: mouvements à l'origine purement prolétariens (Tunisie, Egypte), mais qui tout de suite ont été trompés et encastrés dans le labyrinthe des revendications démocratiques par l'apparition sur la scène de factions bourgeoises et de ces btardes demi-classes qui n'ont pas une tête indépendante, mais constituent la lie de la société bourgeoise, sa matière de déchets, la puante mousse malodorante.
Le mouvement prolétarien détourné et annulé, les tant d'idiots qui se sont précipités pour acclamer les «révolutions» se sont retrouvés dans l'impasse aveugle de leur propre impuissance et ont ouvert la porte tout grande à la violente "normalisation": de l'intérieur comme de l'extérieur, le talon de fer s'est abattu sur les masses prolétariennes et prolétarisées.
L'intervention militaire en Libye, avec la pointe formée par le capitalisme français en quête d'affirmation dans une aire si proche et précieuse pour elle, n'a pas eu tant l'objectif d'enlever la marionnette Kadhafi que d'insérer un coin de fer et de feu entre la Tunisie et l'Egypte à un moment où pouvait se créer un lien entre les mouvements des prolétaires des deux pays, avec le danger qu'ils débordaient ensuite vers l'est, vers les territoires du Moyen-Orient depuis des décennies en flammes, incitant également les masses (arabes et palestiniennes, en premier lieu, mais non seulement) vers une perspective finalement non plus seulement nationale et nationaliste.
Les «faits de la Syrie» vont dans ce sens. Le prétexte, toujours plus cynique et dégueulasse (les «armes de destruction massive»), peut seulement duper les nigauds qui croient fermement dans la «mission» de telle ou telle Nation de porter autour du monde, perchée sur le guidon des dernières armes technologiques, "la justice, la paix, la démocratie", ou laisser bouche bée dans la vague perception de leur propre imbécillité ces autres nigauds qui n'ont pas cessé de croire au (et exalter) le "pacifisme" d'Obama ou le «socialisme» de Hollande.
Les vents de guerre soufflent toujours plus fort. Toutes les fois que nous avons évoqué la tendance inexorable du capital à résoudre avec la guerre ses propres contradictions étirées à la limite, nous avons été accusé d'être des Cassandres et des visionnaires. Il est temps que les prolétaires de tous les pays ouvrent par contre leurs yeux sur celle qui est en train de devenir une perspective réaliste, accélérée par les dynamiques mêmes de la crise de surproduction de marchandises et de capitaux – une crise qui va détruire les uns après les autres croyances et illusions, «garanties» et «réserves», qui broie les vies d'innombrables prolétaires dans le hachoir à viande du mode de production capitaliste.
A tout ceci, et à sa sanglante sortie finale, on peut mettre un rempart seulement en reprenant avec décision le chemin de la lutte de classe ouverte contre sa propre bourgeoisie, dans le rejet catégorique, sans hésitation, prudence et incertitude, d'accepter des sacrifices pour le bien supérieur de la nation, dans le rejet de tomber dans la ruse de "l'ennemi est à notre porte", dans le rejet de prendre position avec tel bandit contre tel autre, dans le rejet de contribuer à chaque effort de guerre: en sabotant le capitalisme au contraire sur le lieu de travail aujourd'hui et sur les champs de bataille demain. Autre que la prière, le jeûne, les drapeaux de la paix et les cortèges funèbres!
La seule guerre dont le prolétariat mondial peut et doit prendre ses responsabilités, dans la conviction de sa nécessité d'en finir pour toujours avec ce monstre sanguinaire qui massacre hommes, femmes, enfants et personnes âgées dans tous les coins du globe, est la guerre de classe, pour la révolution communiste et la dictature du prolétariat. A cette perspective, nous, Parti Communiste International, travaillons.
Septembre-Octobre 2013